AMELIE NOTHOMB

 

Amelie 2

Amélie Nothomb

La mascotte  de l’écriture française

                                                                                          Novembre 1996   Jean Milossis

Amélie Nothomb – J’écris, je ne sais pas pourquoi j’écris. Il y a des choses qui doivent sortir. Je les exprime de la manière la plus appropriée.

Jean Milossis Qu’est-ce qu’on en fait ?

A. Nothomb – De temps en temps il peut arriver qu’un de mes manuscrits me paraisse partageable, alors je l’apporte à mon éditeur. Je publie environ un quart de ce que j’écris.

J.M. – C’est intéressant de savoir comment un livre est reçu ?

A. Nothomb – Gide disait qu’il publiait ses livres pour qu’on le lui explique. Je crois que c’est un peu mon cas.

J.M. – Comment vous réagissez ? Vous l’écrivaine, lorsque vous vous indignez ?

A. Nothomb – la littérature ne peut pratiquement rien contre les choses qui m’indignent. Ça ne m’empêche pas de parler par écrit de mes indignations mais ça n’y changera pas grand-chose. La seule cause qui me soit accessible c’est d’amener de plus en plus de gens à la lecture.

J.M. –Ah oui ? La lecture de vos œuvres par exemple ?

A. Nothomb – Vous êtres ironique ? Pas seulement. La lecture en général. A l’échelle individuelle, la lecture peut sauver des quantités de gens.

J.M.- Qu’en sait-on de cette idée-là ?

A. Nothomb – Souvent les gens me disent : depuis que j’ai lu vos bouquins, j’ai recommencé à lire. Moi-même la lecture m’a sauvée pendant mon adolescence qui était extrêmement solitaire.

J.M. – Littérature tour d’ivoire ?

A. Nothomb – Non. Comme moyen d’accès au monde.

J.M. Vous pensez avoir des messages à délivrer ?

A. Nothomb – Comment pourrais-je proposer des façons de vivre aux autres alors que je ne sais pas comment je dois vivre moi-même.

J.M. – De quelle manière êtes-vous une contemporaine ?

A. Nothomb – Je vous ai dit tout à l’heure que j’étais angoissée. Peut-être est-ce ma manière, l’angoisse.

J.M. – De quelle angoisse ?

A. Nothomb -  Je sais que les choses vont mal et qu’elles doivent changer. Mais je ne sais pas du tout en quoi elles doivent changer.

J.M. – Vos rapports avec la mort…j’ai lu des trucs dans un magazine.

A. Nothomb – Toute mon enfance a été hantée par la mort des autres. Je passai mon temps à imaginer la mort de mes proches et le devenir de leur cadavre. Ça m’a beaucoup occupée.

J.M.- Frousse d’elle ?

A. Nothomb – de celle des autres.

J.M. – De la vôtre ?

A. Nothomb – Ce n’est pas moi qui en souffrirais.

J.M. – Que fait-on ? Que fait-on ?

A. Nothomb – Mon Dieu…

J.M. – Etablissons ce que je propose, la DECLARATION DE STRASBOURG d’Amélie Nothomb :

Amélie NothombTaisons-nous sur ce qui est le plus important. Les choses sacrées, taisez- les. C’est aujourd’hui la meilleure façon de les respecter. Si on n’a pas trouvé les mots adéquats pour les dire, ce serait les détruire que de les dire avec les mots qui ne seraient pas à la hauteur. Un jour peut-être …

Editions Tribu / 1995